OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Petits espionnages entre amis http://owni.fr/2012/06/15/petits-espionnages-entre-amis/ http://owni.fr/2012/06/15/petits-espionnages-entre-amis/#comments Fri, 15 Jun 2012 16:30:43 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=113576

Qadhafi in Damascus - Photo CC Ammar Abd Rabbo

Le 8 mars dernier, la société Bull annonçait, dans un communiqué avoir “signé un accord d’exclusivité pour négocier la cession des activités de sa filiale Amesys relatives au logiciel Eagle“, sans préciser à qui le système de surveillance massive de l’Internet pourrait être revendu.

Il y avait urgence à communiquer : le 15 mars, Canal+ allait diffuser Traqués !, documentaire du journaliste d’investigation Paul Moreira, où l’on voyait notamment trois journalistes, écrivains et blogueurs libyens expliquer comment ils avaient été identifiés, incarcérés, frappés à “coups de pied et de barre de fer” et torturés par les nervis de Kadhafi grâce au système Eagle conçu par la société française.

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Traqués en Libye

Traqués en Libye

Ce soir, Canal Plus diffuse un documentaire choc, proposé par l'agence Premières lignes, révélant la portée des ...

Le 16, Owni publiait Au pays de Candy – enquête sur les marchands d’arme de surveillance numérique, ebook révélant l’histoire, et les dessous, de ce contrat sulfureux négocié par l’intermédiaire de Ziad Takieddine dans le cadre d’un accord de coopération sécuritaire voulu par Nicolas Sarkozy et Kadhafi, et négocié par Claude Guéant et Brice Hortefeux.

La Lettre A, dans son édition du 15 juin 2012, révèle que l’acquéreur d’Eagle serait Stéphane Salies, un des actionnaires historiques d’Amesys, et l’un des architectes du projet Eagle, confirmant une information confiée à Owni voilà quelques semaines, et que nous cherchions à vérifier.

Un des principaux responsables d’Eagle

Supérieur hiérarchique de Renaud R., le jeune chef de projet d’Eagle, le nom de Stéphane Salies figure également dans les propriétés de deux des documents révélés dans Au pays de Candy comme étant celui qui avait écrit, sinon validé, au dernier chef, la préparation du contrat avec la Libye.

Le premier porte sur les spécifications techniques du système d’interception, mais également sur des modèles de téléphone capables, même lorsqu’ils sont éteints, d’espionner leurs utilisateurs.

Prop générale sécu v2

Le second document, une proposition de contrat, chiffrait le montant cumulé des prestations proposées à 22 780 000 euros, dont 8,5 millions pour la surveillance de l’Internet, 1,4 pour les écoutes téléphoniques, plus 2,1 autres millions au titre de la formation et l’assistance technique.

Contract Anglais X3 Vers Passport

Internet massivement surveillé

Internet massivement surveillé

En partenariat avec WikiLeaks, OWNI révèle l'existence d'un nouveau marché des interceptions massives, permettant ...

Ex-directeur général d’Amesys, Stéphane Salies avait été nommé vice-président de la division Systèmes critiques et Sécurité de Bull, qui regroupe les anciennes activités d’Amesys afin de proposer “une offre complète de sécurité pour répondre à la variété et à l’évolution des menaces“, suite à la prise de contrôle du géant de l’informatique française par la start-up (voir, à ce titre, l’enquête de Reflets sur L’étonnante prise de contrôle de Bull par Amesys).

En mai 2011, quelques jours seulement avant qu’Owni ne révèle le contrat passé entre Amesys et la Libye de Kadhafi, Stéphane Salies était présenté comme président d’Amesys Technologies, dans un article où il expliquait que les affaires d’espionnage, de piratage ou de fuites de données “n’ont pas surpris” les responsables informatiques comme lui, mais qu’elles soulignaient “l’urgence qu’il y avait à prendre des mesures à la hauteur des enjeux“.

Ironie de l’histoire, c’est notamment à partir de documents internes qui avaient fuité qu’Owni a pu révéler le mode d’emploi du Big Brother libyen, ainsi que, en partenariat avec WikiLeaks (voir encadré ci-contre), les noms de plusieurs réfugiés politiques espionnés grâce à la société française…

La Lettre A relève aujourd’hui que son nom “a étrangement disparu de l’organigramme de Bull depuis plusieurs mois“, mais qu’il a créé, le 26 avril dernier, une nouvelle société de “programmation informatique“, Nexa technologies :

Sera-t-elle son bras armé pour l’acquisition d’Eagle ? Ou un moyen de portage pour un tiers ? Lors d’un comité central d’entreprise en mai, la direction de Bull a éludé le sujet, opposant un classement confidentiel-défense.

Contacté par La Lettre A, Bull évoque de son côté un acquéreur étranger pour Eagle, sans mentionner le rôle de Stéphane Salies.

La justice française a annoncé, le 21 mai 2012, l’ouverture d’une information judiciaire pour complicité d’actes de torture en Libye, visant explicitement Amesys et confiée au pôle spécialisé dans les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, nouvellement créé au sein du TGI de Paris, suite à une plainte déposée par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme (LDH) en octobre 2011, ce dont elles se sont félicitées.


Photo CC Ammar Abd Rabbo [by-nc-sa]
À consulter : Au pays de Candy, enquête sur les marchands d’armes de surveillance numérique, disponible dans toutes les bonnes librairies numériques :

           

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Les 50 millions de Kadhafi dans le Puy-de-Dôme http://owni.fr/2012/04/30/les-50-millions-de-kadhafi-dans-le-puy-de-dome/ http://owni.fr/2012/04/30/les-50-millions-de-kadhafi-dans-le-puy-de-dome/#comments Mon, 30 Apr 2012 17:53:20 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=108503 Mediapart, et accrédité par Ziad Takieddine, accuse Brice Hortefeux d'avoir assisté à une réunion, organisée par les services secrets libyens, destinée à financer la campagne électorale de Nicolas Sarkozy, à hauteur de 50 millions d'euros. Ce jour-là, Hortefeux était en tout cas à Montpeyroux, petit village situé à 20 minutes de Clermont-Ferrand.]]>

Brice Hortefeux a-t-il assisté, le 6 octobre 2006, à une réunion avec des officiels libyens au sujet du financement, par Kadhafi, de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy, pour un montant d’une valeur de cinquante millions d’euros ? Mediapart l’affirme, s’appuyant sur un document présenté comme issu des archives des services secrets libyens. L’intéressé, lui, “oppose un démenti catégorique et vérifiable“. Nous avons donc reconstitué son emploi du temps lors de ces journées cruciales.

À l’époque, Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, et Brice Hortefeux son ministre délégué aux collectivités locales. Sur son agenda ministériel d’alors, encore consultable sur le site archive.org, on découvre que Brice Hortefeux assistait, le jeudi 5 octobre au matin, à la 15ème édition du Sommet de l’élevage à Cournon, ce que confirme un article du Figaro de l’époque, qui précise que “le bras droit de Nicolas Sarkozy a pu observer la grande forme de Chirac“.

Dans la foulée, Brice Hortefeux filait à Cancale où il présidait, à 14h30, les 10ème Assises des petites villes de France sur le thème “petites villes au coeur de la décentralisation“. Le 5 au soir, il effectuait une “visite éclair” à Saint Brieuc, comme l’atteste également le blog du député (UMP) Marc Le Fur, et la photo de Brice Hortefeux prise ce soir-là, horodatée au 5 octobre 2006 à 19H59.

Visite de Brice Hortefeux à Saint-Brieuc, le 05 octobre 2006

Ce fameux vendredi 6 octobre au matin, jour où Brice Hortefeux aurait assisté à la réunion avec les Libyens, la Correspondance économique annonce que Brice Hortefeux sera l’invité de l’émission “Face aux chrétiens“, diffusée à midi. Renseignement pris auprès du quotidien La Croix, qui garde la trace de toutes ces émissions, c’est en fait Jean-Pierre Raffarin qui, ce jour-là, remplaça le ministre délégué au pied levé : l’émission est généralement enregistrée la veille, ce que Brice Hortefeux ne pouvait donc matériellement pas faire entre ses rendez-vous à Cournon, Cancale et Saint Brieuc.

L’agenda de Brice Hortefeux précise que l’après-midi du 6, il devait remettre à 17h30 la Croix de chevalier de l’Ordre national du mérite à Marcel Astruc, Vice-président de l’Association des maires de France ruraux (AMFR), à Montpeyroux, un village de 358 habitants dans le Puy-de-Dôme, ce qu’atteste également le bulletin d’octobre 2006 de l’AMFR.

Contacté par OWNI, Marcel Astruc se souvient effectivement avoir été décoré par Brice Hortefeux vers 18h, 18h30. Le ministre était reparti vers 20h pour remettre une autre décoration, à Cournon. Le 7 au matin, Brice Hortefeux participait à l’assemblée générale de l’Union des maires et élus de l’Eure, à Evreux, où il prononçait un discours sur les finances locales et l’intercommunalité.

Remise de la médaille du mérite à Marcel Astruc, Montpeyroux, le vendredi 6 octobre 2006

En avion, il faut 3h15 pour aller de Paris à Tripoli, sans compter les temps de trajets vers ou à partir des aéroports. À supposer que Brice Hortefeux n’ait pas eu d’autres rendez-vous dans la matinée du 6, il est donc matériellement possible qu’il ait pu effectuer un aller-retour express entre le 5 et l’après-midi du 6, avant de revenir à Clermont-Ferrand, situé à 20 minutes du village de Montpeyroux. Contacté, le collaborateur de Brice Hortefeux à l’UMP n’a pas été en mesure de répondre à nos questions.

Moussa Koussa, le chef des services de renseignement libyen, a nié avoir signé le document que lui attribue Mediapart, et déclaré que “toutes ces histoires sont falsifiées (et) sans fondement“. Bacher Saleh, le trésorier de Kadhafi qui a depuis trouvé refuge à Paris -tout en étant recherché par Interpol-, a de son côté émis, par l’intermédiaire de Pierre Haïk, son avocat “les plus expresses réserves sur l’authenticité” du document. Interrogé par Mediapart, Ziad Takieddine, lui, semble donner crédit au document, ce qui est d’autant plus étonnant car, dans le même temps, il dément avoir assisté à cette réunion ce jour-là.

Le fichier qui recense ses nombreux voyages, et qu’OWNI a mis en ligne (soit le calendrier complet des déplacements de Takieddine de 2001 à 2008) à l’occasion de la parution du livre “Au pays de Candy” au sujet de l’affaire Amesys, montre que Ziad Takieddine était à Genève, le 6 octobre 2006. En revanche, si cet homme d’affaires libanais était bien à Tripoli avec Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, c’était le 6 octobre 2005… un an, jour pour jour, avant la date mentionnée dans le document.

Ziad Takieddine, qui avait été mis en examen pour faux témoignage en septembre 2011, et qui fustigeait jusqu’alors Mediapart, à l’origine de quelques révélations à son sujet, estime aujourd’hui que le document “reflète un accord signé par Moussa Koussa pour soutenir la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007“, et déclare à Mediapart que “Brice Hortefeux a été effectivement là-bas à cette date ainsi qu’à d’autres dates, ça, c’est sûr“.

Si Brice Hortefeux nie avoir rencontré Moussa Koussa et Bachir Saleh, il a cependant expliqué à Mediapart qu’il avait rencontré Abdallah Senoussi. Ce qui n’est pas sans poser quelques questions : Senoussi, l’autre chef des services de renseignement libyens mentionné dans le document, serait actuellement en Mauritanie, après avoir été condamné à la prison à perpétuité par la justice française pour son implication dans l’attentat du DC-10 d’UTA, le plus grave attentat terroriste qu’ait jamais connu la France (170 morts, dont 54 Français). Senoussi était aussi le contact privilégié de Ziad Takieddine en Libye, et c’est lui qui avait demandé à la société française Amesys de développer un système de surveillance massive de l’Internet…

Nicolas Sarkozy, de son côté, a porté plainte pour “faux (et) publication de fausses nouvelles“. Sur Amesys, en revanche, il n’a jamais réagi.


Portrait graff de Kadhafi par Abode of Chaos [CC-by]; Autres photographies via Marc Le Fur (Saint-Brieuc) et Marcel Astruc (Montpeyroux)

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La playlist Takieddine http://owni.fr/2012/02/08/la-playlist-takieddine/ http://owni.fr/2012/02/08/la-playlist-takieddine/#comments Wed, 08 Feb 2012 16:52:41 +0000 Jay D. Aqheur http://owni.fr/?p=87099

Un jour, un inconnu vous offre un ordinateur et des disques durs contenant plusieurs centaines de fichiers. D’abord on dit merci. Ensuite, on ne fait rien, rien de précipité, on réfléchit. Oh ! Ce sont les fichiers de Ziad Takieddine, dont certains ont été mis en ligne par Mediapart, dans le cadre de son enquête sur ce marchand d’armes, homme clé dans le volet financier de l’affaire Karachi.

Sur le fond : dans ce dossier, longtemps, Ziad Takieddine a nié être intervenu dans la vente de sous-marins au Pakistan, un contrat signé en 1994 et impliquant une partie de l’entourage de Nicolas Sarkozy. Mais dans ses déclarations Takieddine accusait plutôt le clan Chirac – les anciens maîtres de l’exécutif. Or, selon des informations révélées samedi dernier par Le Monde, une expertise graphologique sur un exemplaire du contrat confirme bel et bien sa participation à l’affaire pakistanaise.

Ce n’est pas la première contradiction qui entoure cet homme d’affaires, serviteur des puissants et de leurs intérêts, parfois multiples, parfois contradictoires. C’est le sentiment qui peut s’imposer à la lecture de ces fichiers.

Qu’y trouve-t-on ? L’ensemble de ses déplacements de 2002 à 2008. Sa comptabilité détaillée sur plusieurs années. Mais aussi des propositions de contrat entre Amesys et la “Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste” du colonel Kadhafi, des simulations de budget des armes de surveillance et d’espionnage des démocrates libyens que Takieddine et Amesys lui ont vendu, des lettres à Claude Guéant évoquant notamment les guéguerres entre les deux chefs des services de renseignement libyens, d’autres, à Sagem, sur la vente à la Libye d’un “programme d’identification des citoyens libyens” (passeport et carte d’identité), et de modernisation des Mirage F1 et Sukhoi de l’armée libyenne, le scan des passeports de Philippe Vannier, le président d’Amesys, et des ses autres salariés qui sont allés vendre leurs âmes à Tripoli.

Nous y avons trouvé aussi un fichier, caché, intitulé iTunes Music Library.xml

Oh, wait. Ouvrons-le avec un éditeur de texte. Les données inscrites dans le fichier sont formelles, il provient bel et bien de l’ordinateur du marchand d’armes :
file://localhost/C:/Users/Ziad%20Takieddine/Music/iTunes/iTunes%20Music/

Nous transférons illico le fichier aux datajournalists de la rédaction Paule d’Atha, qui en extraient un tableur répertoriant la liste complète des quelques 500 artistes et 1156 chansons de la playlist iTunes de Ziad Takieddine, que nous avons décidé de partager avec vous, y’a pas d’raison.

On y trouve beaucoup d’albums des Bee Gees et puis d’Abba, Luciano Pavarotti et Madonna, des best of (aka florilèges) de Claude Barzotti, Julio Iglesias et Alex Fox, mais également des morceaux de 50 Cent, Jay Z, Eminem, James Blunt, Justin Timberlake, Jennifer Lopez, Nolwen Leroy, Snoop Dog ou Shakira, et puis “Si j’étais président” et “La ballade des gens heureux” de Gérard Lenorman…

Comme OWNI est gentil, et qu’on aime bien les datavisualisations, nous vous avons donc visualiser le “Top 9“, en images, des artistes les plus représentés dans sa playlist (entre parenthèses, le nombre de chansons) :

Les artistes les plus présents

1/Julio Iglesias (48) 2/ ABBA (36) 2/ Luciano Pavarotti (36)
4/ Il Divo (33) 5/ Bee Gees (30) 6/ Madonna (28)
7/ Claude Barzotti (22) 8/ Les Gipsy King (20) 9/ Mickael Jackson (19)

 

Les morceaux les plus écoutés

En bons datajournalistes d’investigation, nous n’en restons pas à cette seule recension. En bas du fichier .xml figure en effet une section intitulée “Top 25 Most Played” et là, stupeur : Ziad Takieddine est en fait un grand fan de Mozart, Bizet et Schubert. Ce qui n’excuse en rien la présence de Mylene Farmer, des Pussy Cat et de Tony Matterhorn dans ce Top 9 des morceaux les plus écoutés. Montrant bien, cela dit, l’importance de qualifier les données, et de ne pas privilégier la quantitatif au qualitatif, et de se défier de ses idées pré-conçues (plutôt utiles dans ce métier).

Au lieu de vous donner la liste de ce Top 9, sous forme de texte, autant vous permettre de les écouter :

1/ “Piano Concerto No. 21 in C Major, K. 467: II. Andante” / Wolfgang Amadeus Mozart / Mozart Best 100 2/ “Intermedio Del Acto III (Carmen)” / Georges Bizet / The Most Relaxing Classical Album In The World…Ever! (Disc 2) 3/ “Miserere” / Adelmo Fornaciari & Bono / Pavarotti & Friends
4/ “Ave Maria, “Ellens Gesang III”, D. 839″ / Franz Schubert / Pavarotti & Friends 5/ “Caruso” / Pavarotti & Friends 6/ “Cosi’ Celeste (Remastered)” / Zucchero, Lester Snell & New Orleans Gospel Choir / All the Best
7/ “Sans Logique” / Mylène Farmer / Clip Video 8/ “Stickwitu” / the pussy cat dolls / Clip Video 9/ “dutty wine” / Tony matterhorn / best R&B 2006

 

Ziad, de Karachi à Hadopi

Histoire de parfaire le tableau, précisons enfin que les sections “Purchased Music” & “Purchased on iphone de Mr takieddine” révèlent que sur les 1156 fichiers (dont 31 vidéo clips) présentes dans sa playlist, il a acheté sept morceaux : les six premiers extraits d’opéra et de musique classique qui figurent en tête de ce top 10, ainsi que Mysteries, de Beth Gibbons (ex-Portishead) & Rustin Man (aka Paul Webb, ex-Talk Talk). Offrant une toute autre image du personnage.

Ce qui ne nous dit pas, en revanche, comment ni où Ziad Takieddine s’est procuré les 1149 autres fichiers de sa playlist ni si, après le scandale Karachi, il pourrait aussi être flashé ou réprimandé par la Hadopi. La vilaine.


Illustrations et couverture par Marie Crochermore pour OWNI /-)

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Un sous-marin de l’armement http://owni.fr/2011/11/16/le-sous-marin-cache-de-larmement-francais/ http://owni.fr/2011/11/16/le-sous-marin-cache-de-larmement-francais/#comments Wed, 16 Nov 2011 10:57:03 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=87100 Elle s’appelle Tecnomar et c’est une société de droit belge. Selon les divers documents que nous nous sommes procurés (voir plus bas), elle est dirigée par des cadres de l’armement français de premier plan. Pour plusieurs acteurs du dossier Karachi, ce serait la boîte noire la plus récente pour continuer de payer des commissions sur les contrats d’armement de DCNS, le géant français spécialisé dans la marine de guerre (détenu par l’État et Thales).

À les croire, Tecnomar distribuerait des honoraires en marge des ventes de bâtiments de guerre à l’étranger – vedettes furtives ou sous-marins – comme le faisaient autrefois d’autres sociétés luxembourgeoises, déjà identifiées dans le dossier Karachi.

L’acte d’enregistrement de Tecnomar montre bien qu’il s’agit d’une société fondée par Armaris, l’entreprise commune à DCNS et Thales pour gérer les exportations de leurs matériels de guerre. Il est établi au 30 octobre 2003. Et ce sont les propres responsables d’Armaris qui prennent alors en charge la direction de Tecnomar ; Pierre Legros et Alain Bovis.

Commissions occultes

Récemment, ce nom de Tecnomar est apparu dans le courrier d’un ancien cadre financier de DCNS, Jean-Marie Boivin, longtemps chargé de payer les prestations des fameux intermédiaires – capables de faire aboutir ou capoter un contrat.

Dans une lettre de 2008, mais révélée la semaine dernière seulement par Le Nouvel Obs, Jean-Marie Boivin désigne bien Tecnomar comme le successeur de la société Heine. Cette dernière est une vieille connaissance pour les policiers de la Division nationale des investigations financières (DNIF), travaillant sur les dossiers de corruption découverts au gré de l’enquête sur l’attentat de Karachi. La société Heine fut l’une des structures jadis utilisées pour verser les commissions occultes lors de la vente par le gouvernement Balladur de trois sous-marins au Pakistan, en septembre 1994.

Cependant, depuis l’entrée en vigueur de la Convention OCDE contre la corruption, au mois de septembre 2000, interdisant aux sociétés de mettre de l’argent dans la poche des fonctionnaires ou des militaires étrangers pour arranger des accords commerciaux, ce genre de coquille planquée en dehors de l’hexagone n’a plus de raison d’exister. Si des honoraires sont payés pour des interventions irréprochables, le paiement devrait être effectué par le siège social établi en France.

Dans un mémorandum remis à la justice, au détour d’une démonstration, un ancien responsable financier du groupe, Gérard-Philippe Menayas, levait les ambiguïtés sur le sujet. Évoquant d’autres petites sociétés luxembourgeoises spécialisées dans les commissions, en l’occurrence Gifen et Eurolux – sorte de petites sœurs de Heine – il affirmait :

Après discussions avec les services compétents de THALES (actionnaire à 50 % d’ARMARIS), le binôme EUROLUX / GIFEN a été remplacé par une société filiale à 100 % d’ARMARIS, dénommée TECNOMAR, domiciliée à Ixelles en Belgique.

Dans le contexte un rien crispé du dossier Karachi, l’apparition de cette société Tecnomar rend donc nerveux en hauts lieux. D’autant que les procès-verbaux de son conseil d’administration dénotent une activité ininterrompue, de 2003 jusqu’à aujourd’hui. Qu’elle que soit la période politique. Avec, selon les années, des personnalités importantes de l’armement qui se retrouvent à sa tête.


Photos et illustrations par Eifon [cc-by-nc-sa] et Mateus [cc-by-nc] via Flickr

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Copé et Takieddine en short http://owni.fr/2011/09/27/cope-et-takieddine-en-short/ http://owni.fr/2011/09/27/cope-et-takieddine-en-short/#comments Tue, 27 Sep 2011 14:39:25 +0000 Olivier Beuvelet http://owni.fr/?p=81135 Le 10 juillet, Mediapart publiait le premier volet de l’enquête sur Ziad Takieddine, illustrant les liens entre l’intermédiaire et plusieurs personnalités politiques françaises. Brice Hortefeux, Jean-François Copé ou encore Thierry Gaubert apparaissent sur des photos chez Takieddine ou en sa compagnie. “Des relations strictement personnelles” avait rétorqué J-F. Copé, secrétaire général de l’UMP. Olivier Beveulet s’est arrêté sur l’une de ces photographies, montrant Jean-François Copé barbotant dans la piscine de la villa du Cap d’Antibes appartenant à Ziad Takieddine. Le “marchand d’arme” a été mis en examen le 14 septembre pour “complicité et recel d’abus de biens sociaux”.

Cette photographie est à la fois exceptionnelle et très banale à l’ère de la transparence sarkozyenne; un homme politique de premier plan, presque nu, dans une piscine en plein été, il pose pour un ou une amie et fixe l’objectif. Face à face lointain entre l’homme et l’appareil ; le cadrage assez large le situe dans un lieu et un milieu. La mention de la date inscrite en rouge sur la surface de l’image nous indique son ancrage dans l’histoire personnelle des protagonistes, la relie aussi à notre histoire (où étions-nous ce jour-là ?) et nous révèle qu’elle a été prise à l’aide d’un petit appareil pour touriste. Le moment et le lieu sont ainsi très inscrits dans cette capture de l’instant présent…

Carpe diem dans la piscine de Takieddine. C’est d’abord un souvenir. Souvenir de quoi ? Pour qui ? Nous verrons… La photographie ne dit rien d’autre que “Jean-François est dans la piscine et me regarde”. Rien de plus courant – si ce n’est que la maison a l’air très luxueuse – rien de que la banalité de la vie heureuse et confortable de ceux qu’on appelle les nantis.

Jean-François Copé dans la piscine de Ziad Takieddine au cap d'Antibes le 13 août 2003, photographie faisant partie des "documents Takieddine" publiés par Mediapart

Et pourtant cette image est une des photographies politiques les plus troublantes et peut-être les plus importantes de ces dernières années. Sa portée symbolique est en train de se définir au fil des articles publiés sur les liens entre Ziad Takieddine et ce qu’on appelle maintenant le clan Sarkozy ; Gaubert, Hortefeux, Desseigne et étrangement Copé… Quant à son rôle politique, en tant qu’élément de ce que le site Mediapart dévoile depuis cet été sous le titre de “Documents Takieddine” (accès payant), il est de plus en plus important, lui aussi, car cette image est un document qui fait partie d’un dossier visant à manifester et à documenter les relations pour le moins “inappropriées” qui existent entre des hauts dirigeants de l’UMP (des proches de Nicolas Sarkozy) et cet homme d’affaire libanais qui a probablement joué un rôle central dans l’affaire des rétrocommissions et financement occulte du contrat Agosta qui a débouché sur l’affaire dite “de Karachi” …

Allégorie

Par ailleurs, son importance symbolique réside aussi dans le fait qu’ elle est l’enjeu d’un certain nombre d’appropriations sur le Web, au point qu’elle risque de rester assez longtemps en travers de la voie royale que son modèle s’était lui-même tracée jusqu’à l’Elysée. Un document et une allégorie, cette image est pour tous ceux qui la détiennent, un véritable trophée, et pour ceux qui la regardent une source d’étonnement et d’interrogations sans fond… Parce qu’au-delà de la présence de Copé dans la piscine de Takieddine, c’est un certain rapport du monde politique à l’argent, propre à notre République parfois étrange, qui est ici involontairement figuré.

D’origine “vernaculaire”, cette photographie témoigne de la façon dont vivent et s’auto-représentent les membres de tel groupe social. Elle constitue ainsi un document ethnographique très intéressant et il convient de l’analyser dans la perspective des relations qu’elle met en jeu.

En premier lieu, ce qui rend cette image si particulière pour qui s’intéresse aux représentations de la vie politique, c’est qu’elle est extrêmement labile sous le regard, qu’elle ne cesse d’évoluer dans sa signification, de prendre du poids politique et du sens allégorique ; au fur et à mesure que le voile se lève sur les arrière-cours de la Sarkozye et les doubles-fonds de la campagne électorale de Balladur en 1995, au fur et à mesure que le rôle du propriétaire de la piscine dans le financement occulte de la vie politique récente est éclairci, cette photographie transforme l’image de son sujet. Copé y passe du statut  de touriste de la Côte d’azur à celui de touriste de la vie politique, et l’eau dans laquelle il trempe de façon anodine se colore sensiblement, se trouble, du poids des affaires menées par son hôte. Ainsi, la part invisible de ce document, l’aura du propriétaire de la piscine, se dessine de plus en plus précisément hors champ et modifie le degré de compromission du nageur candide. Le liquide change de nature…

En effet, l’eau dans laquelle il trempe le touche entièrement, l’enveloppe et trouble ses formes. Il semble même coupé en deux tant la couleur de son costume de bain est proche de celle de la piscine… Elle incarne l’idée d’une symbiose entre l’homme et le liquide… C’est une eau qui le mouille de plus en plus, pourrait-on dire. L’intimité que son corps presque nu y entretient avec l’argent de Takieddine qu’elle représente par métonymie, est de plus en plus suspecte. C’est en effet la presque nudité de l’homme politique devant l’homme d’affaires, l’intimité qu’elle suggère, le fait d’être seul face à l’objectif derrière lequel on suppose aisément le marchand d’armes, qui pose le plus un problème éthique.

Sur les autres photos de la série, Copé est avec son épouse et accompagné d’autres personnes, le cadre ne l’isole pas personnellement et il apparaît dans un flux relationnel à multiples pôles ; des couples d’amis ensemble, en vacances, il y est de passage. Mais ici, seul dans la piscine, il apparaît comme coincé, pris dans le cadre, entre les bords de la piscine qui redoublent ceux de la photographie ; il est au centre des deux, c’est lui seul qu’a voulu saisir celui qui cadre… précisément pour le montrer. Il ne nage pas, il ne joue pas avec ses enfants ni avec sa femme, il paraît simplement au milieu de la piscine et pose pour le photographe. Regarde-moi, je suis dans la piscine.

Ce face à face avec le photographe renforce l’impression d’intimité due à la presque nudité de son corps. Celui qu’on photographie seul, pour soi, torse nu, c’est celui qu’on aime, qu’on désire, qu’on veut garder, celui qu’on est fier ou heureux d’avoir pour soi seul. On peut d’ailleurs supposer que cette photographie ait été prise par son épouse qui était avec lui chez Takieddine ce jour-là, mais on ne le sait pas exactement, et les légendes nous précisent que cette piscine appartient à Takieddine, ce qui permet au spectateur de penser que c’est bien ce dernier qui a pris la photo, ou que c’est pour lui qu’elle a été prise.

Intimité

“Jean-François est dans la piscine et me regarde” devient “J’ai mis Jean-François Copé dans ma piscine, il me regarde comme un gardon tout juste sorti de l’eau et qui se délecte encore de mon appat”. Les grandes espionnes et les grandes corruptrices triomphaient d’avoir mis un puissant dans leur lit, les hommes d’affaires sont fiers de mettre des hommes politiques dans leur piscine. La photographie n’en dit pas plus, elle semble être une fin en soi… C’est précisément ce qui fait d’elle un document sur la relation entre Takieddine et Copé, et au-delà, sur les liens “inappropriés” entre l’argent (qui prend la photo) et la politique (qui se fait prendre en photo). Comme un  document officiel, elle a été dûment établie par les intéressés. Elle atteste l’intimité de la relation entre un homme politique et un homme d’affaires que la presse qualifie de sulfureux.

Mais ce que cette photographie conserve en elle et ne cesse de distiller à nos regards ébahis, ce n’est pas seulement la relation qu’elle établit factuellement entre deux hommes, le cadreur et le cadré, mais aussi celle qu’elle figure à l’aide de puissants symboles. Elle nous parle et nous parle encore, nous dévoile une vérité que notre République n’ose pas encore voir franchement, elle se répand en confidences et déborde de son cadre, comme l’eau claire de la piscine de Takieddine, qui fuit en un courant limpide vers son extrémité droite. Depuis qu’elle a été publiée cet été sur le site de Mediapart et reprise abondamment sur de nombreux sites de presse (le copyright en revient étonnament à Mediapart) elle parvient à formuler visuellement ce que l’opinion publique commence à apercevoir de ce qu’elle savait depuis longtemps…

Elle formule visuellement ce qu’on entend souvent verbalement dans les expressions “être mouillé jusqu’au cou” ou encore “tremper” dans des affaires louches, ou encore “être éclaboussé par un scandale”, ou bien, pour reprendre l’expression de Thierry Gaubert “si je coule, tu coules avec moi”. On peut ajouter l’image de la “noyade” dans une mare d’eau, de Robert Boulin,  ou encore le surnom de piscine qu’on donnait autrefois à la DGSE et qui, par extension, donnait une image sub-aquatique à ses opérations à l’étranger. Comme, justement, celle visant le Rainbow Warrior par exemple. Au fond, la piscine, c’est la figure faussement claire et limpide des affaires troubles de la République… Plus c’est transparent plus c’est opaque, rien de tel, d’ailleurs que la transparence pour cacher ce qu’on ne veut montrer.

Comme l’argent, la corruption est fluide dans notre imaginaire, elle prend l’aspect du serpent qui ondule ou de l’eau qu’on ne maîtrise pas, qu’on ne peut pas contenir, qu’on ne peut non plus définir avec précision, comme l’eau, elle mouille, éclabousse et parfois noie, mais jamais on ne la saisit ni ne l’arrête. La chambre de compensation luxembourgeoise tant décriée s’appelle Clearstream (le courant limpide) ce qui n’est pas forcément un bon indice pour elle. Et l’on en vient à la notion de “liquide” qui semble être la forme intraçable et insaisissable sous laquelle l’argent circule dans les coffres des ministères et les poches de certains hommes politiques…

Contacts inappropriés

Certains hommes politiques français baignent dans le liquide, nous dit cette image sur un mode allégorique. Le pauvre Copé, qui a bien le droit de se baigner dans une piscine en plein été, se retrouve ainsi comme un gardon pris dans le vivier d’un pêcheur de gros. Il illustre une situation qui se fait jour sans le savoir. Il offre aux spectateurs qui se sont invités, par voie de presse, dans l’intimité qu’il entretient avec celui qui le photographie, une magnifique illustration des contacts “inappropriés” (pour reprendre cet anglicisme clintonien remis à la mode par DSK) entre les hommes politiques flirtant avec les sommets de l’Etat et les eaux claires mais troubles de la finance internationale. A tort ou à raison, on le saura peut-être un jour.

Sur le Web, cette photographie a manifestement trouvé des regards qui ont su lui donner toute sa portée. Alors que le site d’@si regrettait cet été que le feuilleton de Mediapart ne trouve que peu d’échos dans la presse généraliste, on peut voir sur Google images en rentrant la requête “Copé piscine” que l’image, elle, a fait florès sur la toile. Souvent reprise telle quelle sur des blogs citoyens indignés par les révélations de Mediapart, elle a aussi fait l’objet d’appropriations narquoises.

Haut de la première page Google Images pour la requête "Copé piscine"

On peut ainsi voir des reprises humoristiques qui exploitent la thématique de l’eau corruptrice ou celle de la relation compromettante.

source : Blog "Che 4 Ever"

Source : nostraberus.over-blog.com

Source : Laplote, l'actualité française vue de Suisse

Article initialement publié sur Parergon, le blog d’Olivier Beuvelet sur Culture Visuelle, sous le titre : “Dans la piscine de Takieddine”

Crédits photo via FlickR CC : Hollywoodpimp by-nd ; Stuck in Customs [by-nc-sa]

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http://owni.fr/2011/09/27/cope-et-takieddine-en-short/feed/ 0