OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le financement dévoilé des mosquées http://owni.fr/2011/04/05/le-financement-devoile-des-mosquees/ http://owni.fr/2011/04/05/le-financement-devoile-des-mosquees/#comments Tue, 05 Apr 2011 16:03:12 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=55278 Que dit la loi de 1905 ?

C’est l’article 2 de la loi de séparation des Églises et de l’État qui fixe le cadre de la relation contractuelle entre les cultes et les pouvoirs publics. Elle est résumée en une phrase où chaque mot compte :

La République ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte.

Pourtant, cela ne signifie pas que l’État ou les collectivités territoriales n’aident jamais les religions. Au contraire. L’histoire de la loi de 1905 est truffée d’exceptions. Pour s’en convaincre, il suffit de lire l’excellent rapport de la commission Machelon, rédigé en 2005-2006 à la demande du ministre de l’Intérieur… Nicolas Sarkozy.

La jurisprudence admet d’ailleurs ces dérogations comme conforme à l’esprit de la loi :

Le Conseil d’État, dans une récente décision du 16 mars 2005, [...] a de son côté indiqué que « le principe constitutionnel de laïcité qui… implique la neutralité de l’État et des collectivités territoriales de la République et le traitement égal des différents cultes, n’interdit pas, par lui-même, l’octroi dans l’intérêt général et dans les conditions définies par la loi de certaines subventions à des activités ou des équipements dépendant des cultes ».

Comment la contourner ?

Trois territoires de la République font l’objet d’un statut dérogatoire vis-à-vis de la loi de 1905 :

  • L’Alsace et la Moselle, qualifiées de terres concordataires (sous le régime du Concordat de 1801), où l’État et les collectivités locales peuvent salarier et subventionner quatre cultes identifiés (catholique, luthérien, protestant et juif)
  • La Guyane qui est toujours régit par une ordonnance royale de Charles X de 1828, qui permet aux membres du clergé catholique d’être « rétribués sur le budget départemental ».

A ces exceptions, il faut en ajouter bien d’autres qui concernent à la fois l’ensemble du territoire et tous les cultes présents en France (p.24 du rapport Machelon) :

  • Financement des aumôneries
  • Affection au culte de bâtiments publics
  • Entretien des monuments historiques
  • Exonération d’impôts

Sans oublier la loi de 1908 qui permet aux collectivités publiques d’assurer la « conservation et l’entretien des bâtiments cultuels » leur appartenant au terme de la loi de 1905. Conclusion des rapporteurs :

Ainsi, par des biais divers, églises, synagogues et mosquées ont été financées par les pouvoirs publics en fonction de ce qui paraissait conforme à l’intérêt public du lieu ou du moment. Fréquemment, ces constructions combinent des activités culturelles et cultuelles.

Les spécialistes relèvent aussi qu’une loi du 19 août 1920 accorde une subvention à la Société des Haboux et des lieux saints de l’Islam pour la création de l’Institut musulman de Paris. Enfin, le moyen le plus classique pour aider à la construction d’un lieu de culte consiste à octroyer un bail emphytéotique administratif (BEA), sorte de location de longue durée à des conditions préférentielles. Dans ce contexte, il faut relever que le discours contestant la légitimité de certains projets de construction de lieu de culte ne concerne, depuis quelques années, que les mosquées.

La situation sur le terrain

En avançant le chiffre de « 5 à 10 millions de musulmans en France», le ministre de l’Intérieur exagère l’estimation fournie dans le rapport Machelon, qui est la « plus juste et la plus récente » selon le Conseil français du culte musulman (CFCM). Dans ce contexte, Claude Guéant a beau jeu de préciser qu’on ne touchera pas à la loi de 1905.

Les experts interrogés pour le rapport en 2006 citent le chiffre de 4 millions de musulmans, « soit 6% de la population (mais 14% des 18-24 ans) ». Quelle est leur pratique religieuse ? Difficile à dire, mais elle oscille dans une fourchette qui va de 15 à 20% selon les sources. Quant aux lieux de culte (en attendant le recensement des mosquées qui aura lieu en juin pour le renouvellement du CFCM), ils étaient ainsi comptabilisés :

À côté des édifices des anciens cultes reconnus, on dénombrait en France, en 2005, 1685 mosquées et salles de prières d’une part, environ 1850 salles (ou temples) des églises évangéliques d’autre part.

Au passage, notons que la problématique des lieux de culte évangéliques n’est jamais évoquée par les responsables politiques, alors qu’elle est numériquement plus importante dans le paysage religieux. Dans un état des lieux assez complet dressé en 2009, Oumma.com pointait le retard criant de l’Islam sur les autres religions, rapporté au nombre de pratiquants recensés :

Ainsi, on obtient un espace total alloué au culte de 249 057 m2, pour 850 000 prieurs. Il en faudra donc environ 600 000m2 pour satisfaire la demande en superficie culte que les 200 projets qui sont en cours, selon le ministère de l’intérieur, ne peuvent en aucun cas combler.

La justification politique des élus locaux

Outre quelques cas particulièrement médiatisés, comme celui de la mosquée de Créteil, financée pour au moins un quart par la ville, les élus locaux usent de la même argumentation. Qu’ils soient de gauche (maire PS à Créteil) ou de droite, c’est toujours la valorisation du lien social et la nécessité qui justifient le soutien des collectivités.

A Woippy, le député-maire UMP François Grosdidier parle de « lieu d’ouverture » lorsqu’il est confronté aux critiques d’extrême droite sur des sites relayant cette parole. Sur Europe 1, mardi matin, il expliquait en détails sa position républicaine :

Tous les débats sont nécessaires, le problème, c’est la façon dont on engage le débat. Il faut commencer par traiter l’inégalité dans laquelle les musulmans se trouvent quant aux conditions matérielles de l’exercice du culte.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

François Grosdidier n’a pas été invité à la Convention de son parti sur la laïcité.

Deux questions délicates : le patrimoine et les financements étrangers

Dans ce débat sur les mosquées, deux questions sont souvent esquivées, quel que soit le camp qui s’exprime. La première relève de la lourdeur des biens immobiliers à gérer. Plus un lieu de culte est important, plus il entraîne des frais d’exploitation lourds à supporter. Or, comme toutes les religions, l’Islam subit un phénomène de sécularisation : à chaque génération, les immigrés et leurs descendants pratiquent de moins en moins leurs croyances.

Construire d’immenses mosquées pourrait donc, à terme, placer l’Islam de France dans la même situation que l’Église catholique, qui n’a plus les moyens d’entretenir son très riche patrimoine. Un enjeu qui n’est pas forcément pris en compte dans les débats actuels. Idem pour la question du financement extérieur (Algérie, Arabie Saoudite et monarchies du Golfe) qui est normalement filtré par le CFCM, sous le contrôle du ministère de l’Intérieur. Ce dernier reste très discret sur la question.

Ce qui ne permet pas de comprendre pourquoi la France a, proportionnellement, moins de mosquées que l’Allemagne, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni, alors qu’elle compte la communauté musulmane la plus importante…

Les solutions ? Le rapport Machelon les explicite (p.27) sous deux propositions :

  • étendre la capacité d’effectuer des “réparations” sur les lieux de culte à leur “construction” (il suffit de changer un mot dans la loi)
  • introduire dans le code général des collectivités la faculté, pour les communes, “d’accorder des aides à la construction”

Deux propositions restées lettre morte, depuis cinq ans.

Illustrations CC FlickR Ayman Haykal, Shahram Sharif, Beth Rankin

insérant un nouvel article dans son titre III (« Les édifices du

culte »), soit en étendant à la construction des édifices affectés

au culte public la dérogation pour les « réparations », prévue à

l’article 19 dernier alinéa (titre IV : « Des associations pour

l’exercice des cultes »).

– La seconde conduirait à insérer dans le code général des collectivités

territoriales la faculté, pour les communes et leurs

groupements, d’accorder des aides à la construction de lieux de

culte. La commission estime qu’il faudrait, au moins dans un

premier temps, réserver cette possibilité aux communes et à

leurs groupements, qui ont toujours été le cadre naturel des

relations quotidiennes entre les pouvoirs publics et les cultes.

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L’UMP dégrade la laïcité http://owni.fr/2011/04/05/ump-degrade-la-laicite/ http://owni.fr/2011/04/05/ump-degrade-la-laicite/#comments Tue, 05 Apr 2011 15:46:43 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=55263 Les sorciers de l’UMP électrisent la laïcité. La convention organisée ce mardi par le secrétaire général du parti Jean-François Copé propose 26 nouvelles règles pour redéfinir la notion. Officiellement, l’initiative ne consiste pas à planifier la dissolution de l’islam dans la République. La vieille France d’inspiration catholique n’éprouverait aucune méfiance de principe à l’égard d’une France plus jeune, originaire du Maghreb et influencée par la culture musulmane. Mais en coulisses, les communicants de l’UMP que nous avons interrogés ne cachent pas le véritable enjeu du débat.

Bien sûr en France les prières de rues sont très rares. Mais regardez sur Dailymotion le nombre de clics pour regarder ces mêmes images de prières de rues. La laïcité est incontestablement un problème en France. Et d’ailleurs, chaque jour l’actualité nous le rappelle, à travers les problèmes posés par les horaires de piscine ou les menus halals. C’est ce qui rend cette convention très légitime.

Cette puissante analyse est signée Guillaume Peltier ; un conseiller en communication venu de l’extrême droite et qui gravite dans l’entourage de Jean-François Copé. Autrefois au Front National puis au MPF, Guillaume Peltier assurait les fonctions de porte-parole de Philippe de Villiers lors de la présidentielle de 2007. Avant de se rapprocher de l’UMP. Lors d’un entretien avec OWNI, il a évoqué ses relations de travail et d’amitiés avec Bastien Millot. Ce dernier, ancien proche collaborateur de Jean-François Copé (ex-directeur de cabinet et ex-assistant parlementaire), ne participe plus officiellement, depuis 2009, aux travaux de l’UMP. Il développe une agence de communication basée dans l’Aisne et anime une chronique sur Europe 1. Guillaume Peltier quant à lui gère une agence en communication installée à Tours, Com1 Plus, vendant aux décideurs politiques et aux médias des analyses sur les sentiments des Français (par le biais notamment de son site La lettre de l’opinion).

Aux yeux des dirigeants de l’UMP, des impératifs de communication politique imposent d’inscrire la laïcité dans l’agenda. Avec des arrière-pensées. Le chroniqueur Guy Birenbaum, par ailleurs chercheur en science politique dans une autre vie, et auteur des premiers travaux universitaires sur le Front National, nous confie:

La question de la laïcité telle qu’elle est traitée par l’UMP c’est un faux nez. C’est une manière de dire du mal des Arabes en restant poli. Pour plaire aux électeurs de Marine Le Pen.

Olivier Roy, l’un des meilleurs spécialistes français du monde arabe, offre un fondement théorique à cette appréciation, lors d’un entretien avec la revue Thema, éditée par le CNRS.

S’interroger sur la possibilité de cohabitation entre l’islam et la laïcité en France est une fausse question. C’est la pratique politique et l’histoire qui ont toujours rendu les religions compatibles avec l’organisation politique et sociale des sociétés occidentales (…) En Europe, la question de l’islam est perçue comme culturelle, à travers une langue et une culture d’origine. Alors qu’il s’agit d’une reformulation du religieux en dehors du champ traditionnel, sur des bases modernes.

Dans une interview récemment accordée au Figaro, Jean-François Copé a tenté de désamorcer la polémique sur le bien-fondé de sa convention sur la laïcité. Pour lui, après cette réunion:

Nous en aurons fini avec l’hystérie du débat sur le débat pour aboutir enfin aux vraies réponses.

Or, parmi les 26 propositions formulées par l’UMP, certaines concernent la place de la religion dans la vie professionnelle, en particulier dans le fonctionnement des entreprises privées. Elles suggèrent notamment de rédiger un guide des bonnes pratiques de la liberté religieuse sur le lieu de travail. Tranchant avec des principes républicains fondateurs, comme le fait remarquer Philippe Portier, historien et sociologue de la laïcité en France :

Le débat vise à modifier assez substantiellement la laïcité traditionnelle, celle de 1905, qui était fondée sur un régime de liberté de conscience, permettant à l’opinion religieuse de s’exprimer partout sauf pour les agents du service public. Hier c’était l’État qui était laïque, et non la société. On est en train de transformer ce modèle, en voulant bannir le signe religieux de la voie publique elle-même, ou transformer le statut de l’usager du service public, qu’on entend priver du droit d’exposer pacifiquement ses convictions dans l’enceinte des lieux d’État. Je pense là aux propos du ministre de l’Intérieur, en opposition absolue avec les contenus du régime français de laïcité.

Dans un entretien accordé à OWNI, Philippe Portier se penche sur les tensions et les contradictions qui parcourent la société française sur le sujet. En marge des stratégies politiques du moment.


Retrouvez tous les articles de notre dossier laïcité sur OWNI (Image de Une CC Elsa Secco)

- Le financement dévoilé des mosquées
- “Hier l’État était laïque et non la société”
- Le faux débat

Illustrations CC FlickR: fabbio

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Le faux débat http://owni.fr/2011/04/05/le-faux-debat/ http://owni.fr/2011/04/05/le-faux-debat/#comments Tue, 05 Apr 2011 14:41:11 +0000 Jean-Francois Bayart http://owni.fr/?p=55262 L’islam n’existe pas. Politiquement ou socialement, s’entend. Il n’existe que comme foi et relève alors de la transcendance, qui concerne le rapport du croyant à son Créateur, et non les autorités de l’État. Politiquement, l’on peut faire dire à l’islam, comme à chaque religion, tout et le contraire de tout. Même une notion aussi connotée que celle de djihad revêt des significations différentes, voire antagoniques : elle désigne le combat que le croyant mène en lui-même pour mieux vivre sa foi, aussi bien que la guerre d’Al-Qaida contre l’impérialisme occidental.

Néanmoins, l’extrême droite et la droite françaises banalisent jour après jour cette idée fausse selon laquelle l’islam serait incompatible avec la République, ou lui poserait problème. Contre toute évidence : de par le monde, l’immense majorité des musulmans vivent en République, et l’islam n’a rien à faire avec ce fait puisque ces Républiques sont toutes différentes les unes des autres, comme je l’ai montré dans mon Islam Républicain (Albin Michel, 2010) en comparant la Turquie, l’Iran et le Sénégal.

Aucune prédisposition démocratique ou républicaine

République ne signifie pas forcément démocratie. Mais il n’est point besoin d’être musulman pour le savoir. Les pays chrétiens n’ont-ils pas connu, eux aussi, des régimes républicains autoritaires, par exemple en Europe du Sud ou en Amérique latine ? La République française a-t-elle été toujours démocratique, et pour tout le monde, elle qui a réprimé dans le sang le mouvement ouvrier, n’a reconnu le droit de vote aux femmes qu’après la Turquie, et a colonisé à tour de bras ? Rien ne prédispose l’islam à la démocratie ou à la République. Rien, non plus, n’y préparait le catholicisme, dont l’Église n’est au demeurant pas une institution démocratique.

Dans leur rapport à Dieu, les religions composent avec le monde, et leurs fidèles avec leur temps. Coran ou pas Coran, les musulmans peuvent être sécularisés dans leur comportement personnel et adhérer à la laïcité sur le plan politique, tout comme les jeunes catholiques qui adulaient Jean-Paul II pratiquaient allègrement la contraception. Ils peuvent évidemment aspirer à la démocratie, ainsi que le prouve l’actualité. En leur âme et conscience, les croyants bricolent avec leur dogme, et ne sont pas moins sincères.

À force de compter les burqa, les Français ont laissé passer une statistique intéressante : pendant que leur consommation moyenne d’alcool a diminué de 2005 à 2010, celle du Moyen-Orient a augmenté de 25%, et la région est devenue un marché porteur pour les fabricants.

Un débat inepte et pervers

Sous la conduite de son Président au petit pied, toute à sa trivial pursuit avec le Front national – trivial pursuit dont le nom originel québécois était « Quelques arpents de piège » ! – l’UMP s’entête donc à enfermer la France dans un débat inepte et pervers sur la place de l’islam dans la République, quitte à le rechaper précipitamment en réflexion sur la laïcité, ce qui ne trompe personne. Et cela à un moment où l’islam a été le grand absent des bouleversements que traverse le monde arabe, et Al-Qaida leur grand perdant ! On ne peut être plus anachronique.

Ceux qui veulent parler d’islam n’en savent rien : à tout seigneur tout honneur, le président de la République vient d’en apporter une illustration grotesque en parlant d’écritures en « langue soufique » sur la basilique du Puy-en-Velay (le soufisme n’est pas une langue, mais la voie mystique de l’islam). Et les musulmans ne veulent pas en débattre car ils savent qu’il s’agit de les rendre moins français aux yeux de leurs compatriotes. Déjà Paris avait renoncé à étendre aux trois départements d’Algérie la loi de séparation des Églises et de l’État… dont l’association des ulémas demandait l’application ! Aujourd’hui comme hier, la très universaliste République française assigne des identités particularistes – maintenant musulmane, jadis juive – à ceux de ses citoyens qu’elle veut subordonner ou exclure du corps national.

Piètres fondamentalistes de la laïcité

Comble de la crapulerie politique, les initiateurs de ce psychodrame se réclament de la laïcité. C’est méconnaître l’extraordinaire pragmatisme des auteurs de la loi de 1905, loi évolutive qui a subi de multiples révisions pour rendre possible l’accommodement entre l’Église et l’État, tout en promouvant les principes constitutifs de la République, laquelle, constitutionnellement, n’est devenue « laïque » qu’en 1946. Il ne suffit pas de citer Jaurès pour être aussi intelligent visionnaire que lui. Et les salafistes de la laïcité, qui ont transformé sa « maïeutique » en religion, sont de piètres fondamentalistes.

S’ils daignaient (re)lire le texte dont ils se revendiquent, ils constateraient que son article 27 confère aux autorités municipales, ou préfectorales en cas de désaccord entre ces dernières et les autorités religieuses, le règlement des « cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte ».

La France connaît chaque vendredi, pendant deux heures, une dizaine de « prières de rue », compte quelques centaines voire quelques petits milliers de femmes voilées, enregistre un nombre d’incidents dans les services publics très inférieurs à ce que le gouvernement, le FN et certains médias assènent, mais préfère consacrer son débat public à ces questions picrocholines relevant de réglementations municipales ou préfectorales, plutôt qu’à la montée du chômage et de la précarité, à l’aggravation de la pauvreté, à la dislocation des services publics, à la déshérence des banlieues et des campagnes. Cherchez l’erreur. Et cherchez à qui elle profite.

Article initialement publié sur le blog de Médiapart de Jean-François Bayart sous le titre : La chimère de l’islam

Crédits Photo FlickR CC : khowaga1 / sierragoddess

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La religion laïque http://owni.fr/2011/04/05/%c2%ab-hier-c%e2%80%99etait-l%e2%80%99etat-qui-etait-laique-et-non-la-societe-%c2%bb/ http://owni.fr/2011/04/05/%c2%ab-hier-c%e2%80%99etait-l%e2%80%99etat-qui-etait-laique-et-non-la-societe-%c2%bb/#comments Tue, 05 Apr 2011 12:10:15 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=55232

En 2011, les décideurs politiques tripotent la laïcité. Mais depuis longtemps le sujet intéresse aussi des universitaires de haut niveau, sommés de comprendre plutôt que de convaincre des électeurs. En matière de sciences sociales, la star vedette du genre s’appelle Philippe Portier. Professeur à Science-Po Paris, il dirige en outre le Groupe sociétés, religions, laïcités (oui laïcités avec un s), un laboratoire de recherche dépendant du CNRS. Et au sein de l’École pratique des hautes études, rattachée à la Sorbonne, il occupe la chaire Histoire et sociologie des laïcités. Ces derniers jours, alors que les caciques de l’UMP redéfinissaient leur laïcité à eux, nous avons demandé à Philippe Portier de se prononcer.

Le débat sur la laïcité parle-t-il vraiment de la laïcité ?

La laïcité peut se définir comme un mode d’agencement des relations entre l’État et les forces religieuses. Elle articule trois éléments constitutifs : la liberté de conscience (droit de croire et de ne pas croire), l’égalité des confessions et des opinions, l’autonomie réciproque des Églises et de l’État.

En ce sens, le débat actuel porte bien sur les questions relevant de la laïcité. Les problèmes évoqués par le pouvoir, et le parti majoritaire, renvoient bien à cette question de l’aménagement de la relation Églises/État. On évoque par exemple l’occupation de la voie publique par les manifestations religieuses, la place du religieux dans les services publics, l’organisation des cimetières avec la question des carrés musulmans, le respect des obligations alimentaires religieuses dans les restaurants publics.

Deux problèmes étroitement corrélés cependant, qui altèrent considérablement le débat :

D’une part, le débat vise à modifier assez substantiellement la laïcité traditionnelle, celle de 1905, qui était fondée sur un régime de liberté de conscience, permettant à l’opinion religieuse de s’exprimer partout sauf pour les agents du service public. Hier l’État était laïc, et non la société. On est en train de transformer ce modèle, en voulant bannir le signe religieux de la voie publique elle-même, ou transformer le statut de l’usager du service public, qu’on entend priver du droit d’exposer pacifiquement ses convictions dans l’enceinte des lieux d’État. Je pense là aux propos du ministre de l’Intérieur, en opposition absolue avec les contenus du régime français de laïcité.

D’autre part, le débat se trouve sous l’attraction du Front national. Votre question suppose qu’il est des arrière-pensées dans le débat actuel. C’est incontestablement le cas. Il s’agit, c’est une banalité que de le rappeler, de faire pièce au parti de Marine Le Pen en agitant le spectre d’un islam non maîtrisable. Il reste que la question de l’intégration, même agitée par les divers populismes, est une question européenne.

À en croire certains, il y aurait pourtant un problème sur la laïcité en France. Donc : simple artefact ou dysfonctionnement plus profond ?

La question de la laïcité est très disputée. On peut repérer trois tendances. L’une ne voit pas de problème dans la pérennité du modèle mis en place en 1905. Son analyse repose sur l’idée qu’il faut faire une distinction entre la sphère de la puissance publique et la sphère de la société civile. Une seconde estime que l’on ne va pas assez loin dans la laïcité de reconnaissance et milite pour des accommodements raisonnables. Une troisième considère que face à la montée de comportements « incontrôlables », où l’on voit le spectre d’un islam radical, il faut étendre les interdits jusque dans la société civile. Pour les deux derniers courants, il y a un dysfonctionnement qui appelle en effet des rectifications au moins réglementaires.

La population française est-elle homogène quand elle pense la notion de laïcité ?

La réponse doit être nuancée. Les enquêtes sur la laïcité manifestent globalement une conception de la laïcité « ouverte » : la laïcité ne doit pas s’analyser pour la majorité des Français comme un régime de relégation du religieux. La tendance du petit père Combes n’a plus le vent en poupe. La laïcité s’identifie à un régime de respect du pluralisme.

Pour autant, la population manifeste des inquiétudes devant un religieux « incontrôlé », venant remettre en cause l’identité politique (droits de l’homme) et l’identité culturelle (habitudes traditionnelles) du pays. Ce qui explique son adhésion à la loi sur la burqa ou sa réticence devant la construction de minarets. Le sondage de janvier dernier dans Le Monde où plus de 40 % de la population interrogée rappelait que la population musulmane était mal intégrée relevait de ce tropisme.

Quel phénomène, ou quel fait social, constituerait à vos yeux une vraie menace pour la laïcité ?

Votre question suppose une définition préalable de la laïcité. Si on la définit comme un régime articulant la liberté (égalitaire) de conscience et la neutralité de l’État, deux types de comportement me semblent lui porter atteinte.
D’une part, le républicanisme ultra-laïciste qui confond neutralité de l’État et neutralité de la société. Les récents propos du ministre de l’Intérieur vont dans ce sens.

D’autre part, le communautarisme fermé qui entend faire prévaloir la loi religieuse sur la loi de l’État en remettant en cause le principe constitutionnel selon lequel tout être doit être considéré comme une « personne libre et égale ».

Image Flickr PaternitéPas d'utilisation commerciale Abby Cadaver

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Une journée de la laïcité ? http://owni.fr/2010/03/19/une-journee-de-la-laicite/ http://owni.fr/2010/03/19/une-journee-de-la-laicite/#comments Fri, 19 Mar 2010 10:02:27 +0000 Stéphane Favereaux http://owni.fr/?p=10249 Le 24 février 2010, Jacques Myard, député, déposait à l’Assemblée Nationale un projet de loi pour ne pas oublier que nous vivons dans un état laïc depuis que la loi de 1905 a été votée.

Le principe de la laïcité doit rester un des acquis fondamentaux de la République. Depuis que la loi du 9 décembre 1905 instaurant la séparation de l’Église et de l’État est inscrite dans les valeurs de la République, les tensions politico- religieuses qui caractérisaient  la société française depuis la Révolution s’étaient progressivement apaisé. Les sphères politiques et religieuses se séparaient clairement.

Bonjour, tu aimes la laïcité

Bonjour, tu aimes la laïcité ?

La laïcité devenue constitutionnelle depuis 1946, rappelée en 1958 dans le préambule de la Constitution du 4 octobre, n’est pas une simple déclaration de principe dont on peut faire ce que l’on veut en fonction des vents politiques, sociaux, sociétaux, religieux et des faits d’actualité.

Il peut paraître étonnant de voir apparaître sur l’Owni un article sur la laïcité, pourtant le fait religieux évolue depuis plusieurs années, et il évolue au-delà les faits de censure, de désinformation au nom de principe religieux, sur le Net comme dans la société.  Les groupes religieux n’hésitent plus à faire pressions sur les enseignants, sur les blogueurs, les médias…

Pourtant, cette loi de 1905 constitue un socle fondamental du pacte républicain. Elle reste garante d’une véritable paix civile, sociale, loin de toute forme de querelle religieuse dont l’histoire de France est émaillée. Les attaques systématiques, systémiques, contre cette loi sont aujourd’hui de plus en plus fréquentes.

L’éducation en est en partie responsable. Le civisme dont tous les médias tirent des conclusions hâtives n’est plus prioritaire, l’éducation fait de plus en plus défaut dans les dernières décisions ministérielles qui concernent l’Histoire. Sans Histoire, comment un élève, quel que soit son niveau, peut-il se situer dans sa propre histoire ?

Sans un accès au savoir et sans le développement nécessaire de la curiosité sur le fait social et sa compréhension, nulle possibilité de développer une volonté d’implication sociale, nulle possibilité de mobiliser pour défendre des valeurs républicaines, sociales. De fait, cette journée de la laïcité s’inscrit dans cette volonté de ne pas oublier que les services publics, que l’État au-delà, la société en général, se doit d’être neutre quant au fait religieux qui demeure à ce jour méconnu des jeunes générations. S’il l’est, il est souvent caricatural.

Les jeunes caricaturent souvent le fait religieux

Les jeunes caricaturent souvent le fait religieux

En mettant en avant le principe de neutralité religieuse, de liberté individuelle, le législateur est régulièrement intervenu pour rappeler et réaffirmer le principe de laïcité. La loi du 15 mars 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans tous les espaces publics revient donc sur cette loi de 1905. Le récent « débat » sur le port de la burqa nous rappelle également à une vigilance sur ce thème.

Cependant, le comportement de certains groupes religieux, quelle que soit la religion, dont les motivations sont très clairement politiques, vise à imposer par des pressions sur les élus des lois sapant ce principe constitutionnel fondamental. Une partie des dirigeants politiques eux-mêmes semble prête à remettre en cause le principe de laïcité.  Les pouvoirs publics doivent pourtant impérativement le faire respecter dans la sphère publique.

Le retour des expériences rappelle donc que l’éducation est essentielle : « Toute génération nouvelle est un peuple nouveau » dit Toqueville. Il est nécessaire de rappeler ces principes, de rappeler le fait historique, religieux, de telle manière que la perception sociale ne soit pas faussée par les discours factuels que l’on peut trouver dans les médias, à la vision essentiellement parcellaire voire spectaculaire fondée d’abord sur une actualité immédiate souvent mal contextualisée et conceptualisée.

La défense de toutes nos libertés, qu’il s’agisse de la liberté d’information, de la liberté d’expression, des libertés sur Internet que les dispositifs légaux actuellement en débat mettent à mal, est essentielle. Il convient d’enseigner en permanence aux jeunes générations le cadre laïc républicain et les valeurs corollaires que cela implique : tolérance, ouverture d’esprit, ouverture à l’autre, curiosité, etc.

Une journée de la laïcité peut-être considérée comme vaguement symbolique. Elle est pourtant  parfaitement opportune en ceci qu’elle rappelle à tous les piliers républicains. Que cette journée soit abordée à l’occasion de discussion dans les écoles, collèges et lycées, dans les médias permettra de rappeler que les combats sociaux qui ont abouti avec la loi de 1905 sont d’abord des combats qui ont permis de fonder une société équilibrée.  L’actualité immédiate fragilise ce principe, il faut donc permettre à la société de se souvenir de ces combats et de ses implications.

Toute la société, tous les médias sont concernés.

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PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le 9 décembre de chaque année est déclarée journée nationale de la laïcité.

Article 2

Dans tous les établissements d’enseignement, les enseignants consacrent une partie des cours de la journée à des exposés et à des discussions sur le principe de la laïcité dans la société française.

Article 3

Les services publics radios et audiovisuels traitent dans leurs programmes de laïcité.

> Illustration par Capt. Tim sur Flickr

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