Avec ce repli, le Parlement européen, qui se targue de son bilan en matière de droits de l’homme, a accepté l’idée erronée selon laquelle il n’a, en vertu des traités, aucun pouvoir dans la protection des droits des citoyens. Cette décision a été prise consciemment par la rapporteure Catherine Trautmann, afin de ne pas risquer une confrontation avec le Conseil de l’Union européenne et ainsi d’en finir avec les négociations du Paquet Télécom. Elle a délibérément ignoré, ainsi que l’ensemble de la délégation du Parlement, les textes existants qui montrent que le Parlement a la compétence pour adopter les principes centraux de l’amendement 1382. Ils n’auront même pas pris la peine de tenter de reformuler l’amendement 138 original pour préserver son principe clé.
« L’amendement 138 a été dissous dans un consensus mou et un jargon juridique inutile. Le Parlement s’est dépêché de se débarrasser des protections des libertés des citoyens parce qu’il sait qu’avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les deux institutions partageront bientôt le pouvoir législatif dans le domaine des affaires judiciaires. Les mauvaises excuses que nous avons entendues les derniers jours pour justifier l’abandon de l’amendement 138 seront alors totalement obsolètes. Au final, le Parlement n’a pas été suffisamment courageux pour tenir sa position contre celle du Conseil et défendre les libertés des citoyens », explique Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net.
« Les ministres des États membres, qui veulent être en mesure réguler le Net sans interférence de l’autorité judiciaire, se sont empressés de liquider l’amendement 138 et de mettre un terme aux négociations. Il est déplorable que la délégation du Parlement, et particulièrement la rapporteure Catherine Trautmann, n’ait pas eu le cran de se servir du contexte politique pour affirmer son autorité dans le processus législatif et protéger les citoyens européens. Bien que les débats aient été constructifs et intéressants, l’amendement 138 est devenu, par le manque de courage de la délégation, le symbole de l’impuissance du Parlement européen », conclut Jérémie Zimmermann.
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> Article initialement publié sur la Quadrature du Net
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[NDLR] : La Quadrature du Net a collaboré à l’ouvrage “La Bataille d’Hadopi”, dont la présentation au public aura lieu le 29 octobre
]]>La première réunion des parlementaires européens participant au comité de conciliation sur le paquet télécom a eu lieu le lundi 28 septembre. Les rapporteurs Malcom Harbour et Catherine Trautmann ont décidé de ne pas rouvrir le débat sur certaines dispositions extrêmement dangereuses, qui laissent aux opérateurs télécom la possibilité de bloquer ou de restreindre l’accès Internet de leurs abonnés, mettant ainsi gravement en danger la neutralité du Net en Europe4. Ce faisant, ils ont ignoré les millions de citoyens représentés par les 70 organisations non gouvernementales qui ont signé la lettre ouverte “nous devons protéger la neutralité du Net en Europe” (parmi lesquels ISOC Europe, Reporters Sans Frontières, the Free Software Foundation et de nombreuses associations de consommateurs dont l’UFC-Que choisir).
Malgré l’insistance du groupe Vert pour rediscuter les dispositions du rapport Harbour poussées par AT&T en seconde lecture, la décision a été prise par le Parlement de ne renégocier que l’amendement 138. Cet amendement, ultime rempart des libertés des citoyens, précise qu’« aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs finaux sans décision préalable des autorités judiciaires. ». Il est désormais l’unique point de désaccord entre le Parlement et le Conseil de l’UE, malgré son adoption à deux reprises par 88% des députés européens. Or, cet amendement protège également les citoyens contre des restrictions de leur accès au Net et serait ainsi un contrepoids efficace des dispositions anti-neutralité du Net du rapport Harbour.
Toutefois, le Conseil de l’UE a déja totalement effacé l’amendement 138 en première lecture, et a tenté de le neutraliser en seconde lecture en enlevant la notion centrale de “jugement préalable”. Durant les négociations finales, seule la rapporteure Catherine Trautmann sera en capacité de maintenir la position du Parlement européen face au Conseil.
« Dans nos sociétés, un libre accès à Internet est tellement important pour exercer sa liberté de communiquer que le bloquer ou le limiter ne devrait en aucun cas être décidé par une entreprise, ou même une autorité administrative. Seul un procès équitable, dont l’autorité judiciaire est le garant, peut assurer le respect des droit fondamentaux. Il revient désormais à Catherine Trautmann de s’assurer que l’amendement 138 protègera les citoyens européens contre d’arbitraires blocages ou limitations de l’accès au Net. », conclut Jérémie Zimmermann, co-fondateur et porte-parole de la Quadrature du Net.
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